La région au sud-ouest de la ville de Mons est surtout connue pour l’extraction de charbon et ses mines. Cependant, il y a eu au sud de la ville un autre type d’exploitation : la craie phosphatée, principalement pour la production d’engrais. Deux méthodes d’extraction furent employées : les carrières souterraines et les carrières à ciel ouvert.
Le site d’extraction souterrain le plus connu actuellement est sans conteste la Malogne. En réalité, si ce site impressionne par son ampleur, il en existe plusieurs autres, de moindre étendue et plus ou moins bien conservés. Pour être précis, il est difficile d’avoir une idée exacte des sites d’extraction, pour la simple raison qu’une cartographie existe, mais sommaire et que les accès de nombre d’entre eux ont été perdus ou condamnés. Et puis le temps a fait son œuvre…
A partir de 2005, la famille Ronveaux a souhaité voir une partie des terrains qu’elle possédait à Ciply être protégés et servir à la conservation de la nature. Les bénévoles de la région se sont donc intéressés au site et effectivement, nous sommes restés pantois devant ce qu’on nous proposait.
Immédiatement, une procédure d’achat a donc été faite en vue de l’acquisition des terrains par les RNOB/Natagora. Les derniers ont été acquis en 2007 et depuis le site est protégé.
Ce que la famille Ronveaux souhaite, c’est protéger une partie du patrimoine industriel souterrain régional, aujourd’hui rendu à la nature. Les parcelles mises en réserve sont en partie au-dessus des anciennes galeries d’extraction. Mais surtout, nous avons acquis l’ensemble des accès (par des puits ou un ancien tunnel d’exhaure vers le By). De ce fait, nous avons la possibilité de garantir la quiétude du site et de préserver ces puits qui, sans cela, pourraient finir comme bien d’autres à proximité : effondrés ou colmatés, voire murés. La réserve Ronveaux a donc été créée au départ essentiellement pour préserver un site d’hivernage pour les chiroptères.
En 2013, soit cinq années après l’acquisition des parcelles et presque trois ans après l’arrêté d’agrément de la réserve naturelle par la Région Wallonne. C’est donc peut-être l’occasion de pouvoir dresser un bilan des inventaires hivernaux sur le site.
En réalité, le site est inventorié depuis l’hiver 2005-2006 et c’est donc le bilan de 8 années de suivi que l’on peut dresser.
La succession des relevés montre qu’entre 2005 et 2013, le nombre de spécimens observés a été multiplié par cinq. Le nombre d’espèces identifiées a également augmenté entre 2005 et 2013. Au final, ce ne sont pas moins de 7 espèces ou groupes d’espèces qui ont été recensés.
Au final, ce ne sont pas moins de 7 espèces ou groupes d’espèces qui ont été recensés.
Lors des relevés de cet hiver 2012-13, seul le groupe des oreillards n’a pas été observé.
Si on se réfère à la Région wallonne entre 1995 et 20082, 12 espèces ou groupes d’espèces sont recensés dans les sites souterrains d’hivernage. La réserve Ronveaux en accueille 7. C’est plus que le nombre moyen de taxons trouvés par cavité inventoriée durant la période de référence (3 ± 2,4 ; étude de Kervyn et al.)2.
Parmi les espèces trouvées, 3 sont considérées en danger d’extinction. D’autre part, bien que la réserve ne soit pas en périmètre Natura 2000, 3 espèces présentes figurent dans l’Annexe II de la directive 92/43/CEE «Faune, Flore et Habitats» impliquant la désignation de sites Natura 2000 pour l’espèce.
Tout d’abord, que la réserve Ronveaux mérite qu’on s’y intéresse! Dans la région montoise, elle apparaît comme un site d’hivernage intéressant pour les chiroptères et la biodiversité : 50% des espèces principales trouvées en hiver dans les cavités souterraines, dont 3 espèces en danger et 2 en régression y hibernent.
Bien entendu, les effectifs et la présence des espèces varient fortement d’une année à l’autre. Ainsi, trois oreillards (indéterminés) ont été observés durant l’hiver 2008-2009 mais l’espèce n’a plus jamais été signalée depuis. Quant au vespertillon de Bechstein, il a été signalé pour la première fois cette année. Toutefois, ce ne sont que des données éparses et il faudrait beaucoup plus de recul sur le site ou de comparaisons avec des données régionales. Nous ne pouvons actuellement que poser le constat des observations réalisées au cours des 8 dernières années.
D’autant que d’une année à l’autre, il est fort possible que nous passions à côté d’individus lors des recensements. En effet, les galeries ne sont pas toujours accessibles aisément, les conditions d’observation sont souvent difficiles et une partie du chantier est régulièrement noyée au gré du battement de la nappe phréatique. Bref, comme bien d’autres sites, les conditions de recensement ne sont pas aisées. Et comme ailleurs, on peut donc se poser la question de savoir combien d’individus échappent au recensement pour chaque spécimen découvert…
Ceci explique aussi en partie l’évolution du nombre d’individus et d’espèces depuis décembre 2005 sur le site. Les premiers recensements ont été effectués par des équipes restreintes : en 2005, nous n’étions que 5 pour environ un hectare de galeries. Progressivement, le nombre de bénévoles a augmenté et l’organisation s’est améliorée. En décembre 2012, le meilleur inventaire a probablement été réalisé avec plus d’une dizaine de participants à la formation Plecotus à Mons. C’est logique : plus il y a d’yeux, plus grandes sont les chances de trouver les individus. Et le niveau de formation des bénévoles s’améliore avec le temps. S’il fallait plaider pour la formation pratique des bénévoles, voilà qui est fait !
Evidemment, la réserve Ronveaux va continuer à être inventoriée chaque année. Bien évidemment, la gestion du site contribuera à garantir la quiétude du sous-sol. Des grilles devraient ainsi être mises en place sur les puits pour prévenir les visites indésirables comme en juillet 2011. De plus, la nuisance d’un puits perdu rouvert par un voisin indélicat pour se débarrasser de ses eaux usées devrait être éliminée. En surface, la réserve, inscrite dans le paysage du village, ressemble fort à un « jardin sauvage ». Et donc présente aussi un intérêt pour les chauves-souris.
Et puis il y a la région autour de la réserve… A l’échelle locale, la prise de conscience de l’importance pour les chauves-souris d’un site comme l’ancienne carrière Ronveaux nous a poussé à nous interroger sur les sites similaires. Il y a ceux qui sont connus et font déjà l’objet de recensements… Mais il y a tous les autres ! De très nombreux sites similaires existent encore dans la région. Alors, si la réserve montre un tel intérêt quand on y regarde de plus près, les autres ne pourraient-ils pas aussi être intéressants ? Ou alors présenter un potentiel d’accueil pour l’hibernation moyennant quelques aménagements?
Ainsi, par-delà la seule protection, la réserve Ronveaux a grandement contribué à sensibiliser un groupe de la Régionale Centre-Ouest Hainaut à la problématique des chauves-souris. C’est ainsi que cette année, une vaste prospection a lieu dans la région pour découvrir des sites similaires. Et actuellement, nous ne sommes pas au bout de nos surprises tant notre région est un véritable gruyère!
A suivre donc…
Lamotte, S., 2007. Les chauves-souris des milieux souterrains protégés en Wallonie. Région wallonne, Direction Générale des Ressources Naturelles et de l’Environnement, Division de la Nature et des Forêts, Travaux n° 29, 272 p.
Kervyn T., S. Lamotte, P. Nyssen & J. Verschuren, 2009. Major decline of bat abundance and diversity during the last 50 years in southern Belgium. Belgian Journal of Zoology, 139(2):124-132.
Cet article a servi de base à la rédaction de deux articles, pour l’Echo des Rhinos et pour l’Echo des Marais.